Autonomie de la pensée et exhortation à la philosophie
« S’il faut philosopher, alors il faut philosopher. S’il ne faut pas philosopher, alors pour montrer qu’il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher. Donc, de toute manière, il faut philosopher. »[1]
[1] V. Rose, Aristotelis Fragmenta, fragment 51, Leipzig, 1886

Exhortation à la philosophie :

La philosophie se retrouve dans tous les éléments de la vie, elle est la « Reine » des autres sciences. « Pourquoi donc ? » me demanderez-vous. Tout simplement parce qu’elle est l’instrument de réflexion par excellence qui permet de penser le monde et les autres domaines avec la plus grande rigueur. Elle se plonge dans les profondeurs de chaque racine pour en étudier la totalité et en mesurer la valeur. Le mot philosophie signifie « l’amour de la sagesse« , c’est donc par elle qu’il nous faut passer en vue d’acquérir l’objet de notre convoitise : l’autonomie de la pensée.
La philosophie est une discipline accessible à tous :

Trop souvent on entend des choses comme :
- « Philosopher c’est pour les intellectuels. »
- « La philo ça ne sert à rien. »
- « J’ai pas envie de réfléchir. »
Et bien sachez ceci :
1) La philosophie est à la portée de tout le monde, il vous suffit juste d’un peu de rigueur et de patience.
2) La philosophie est utile lorsqu’on l’utilise à bon escient et de la bonne manière, comme toute chose.
3) Tout le monde est capable de réfléchir et si vous ne vous sentez pas bien dans votre vie, je vous conseilles de commencer par cette étape.
Vous ne me croyez pas ? Vous croirez peut-être Descartes en ce cas !
Etudions le texte suivant :
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils n’en n’ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement, peuvent avancer beaucoup davantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent. Pour moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ; même j’ai souvent souhaité d’avoir la pensée aussi prompte, ou l’imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample, ou aussi présente, que quelques autres. Et je ne sache point de qualités que celles-ci, qui servent à la perfection de l’esprit : car pour la raison, ou le sens, d’autant qu’elle est la seule chose qui nous rend hommes, et nous distingue des bêtes, je veux croire qu’elle est tout entière en un chacun, et suivre en ceci l’opinion commune des philosophes, qui disent qu’il n’y a du plus et du moins qu’entre les accidents, et non point entre les formes ou natures, des individus d’une même espèce. »[1]
[1] Descartes, Discours de la méthode, première partie.
De quoi est-il question dans ce texte ?
L’objet du texte ne saute pas aux yeux, bien que la 1ère ligne soit accrocheuse, une ligne ne suffit pas pour en déduire l’objet du texte. Est-ce la raison ? Pas sur puisque Descartes la renvoie à l’opinion philosophique commune par la suite. Il ne faut pas se précipiter quant à la déduction du sujet du texte.
Qu’en est-il de la thèse que soutient l’auteur ? Elle non plus n’est pas simple à trouver, encore une fois, il ne faut pas aller trop vite. Ce n’est pas le fait que la raison soit « naturellement égale en tous les hommes. ». Puisqu’il semble que la fin du texte annule le caractère singulier du propos, c’est-à-dire que tous les hommes sont naturellement égaux seulement sous un certain point. Il nous faut plutôt considérer le terme de « méthode », qu’il nous faut articuler avec d’autres afin de trouver ce que soutient l’auteur.
Nous allons donc repérer les mots clefs de ce texte :
Qu’entends Descartes par « le bon sens » ? C’est tout d’abord une puissance, celle de bien juger, de distinguer le vrai du faux. On peut nommer ce bon sens : La raison, selon Descartes. On comprend alors que le bon sens peut se comprendre comme la raison, c’est ainsi la raison qui est naturellement égale chez tous les Hommes pour Descartes. En cela on peut déduire autre chose à la fin du texte. La forme et la nature sont à comprendre comme l’essence de l’Homme, ainsi il n’y a pas de différences de degrés (plus ou moins) entre les Hommes, seulement des différences « d’accidents » (exemple d’accident : être brun, blond, grand, petit etc… mais cela ne modifie pas l’être).
Le jugement : Cette raison est puissance de bien juger et de distinguer le vrai du faux, cela veut dire que la raison n’est pas ici à prendre comme faculté de raisonner mais comme faculté de juger. (Concerne l’acte de juger et le jugement chez Descartes). Juger c’est alors pour Descartes donner ou refuser son consentement sur le vrai et le faux. Cela fait apparaitre une certaine liberté de la raison que nous ne traiterons pas ici, et la possibilité de l’erreur.
La méthode : Descartes privilégie la manière de conduire la raison, et non la raison elle-même ici. Il y’a un fait selon Descartes, c’est qu’il y’a des voies multiples, mais la méthode n’exige-t-elle pas une voie unique ? Une chose est sûre Descartes bascule du bon sens, la raison, à son usage, qui consiste pour Descartes, en la méthode.
L’esprit : L’esprit se distingue de la raison, cette dernière est constitutive de l’homme, et est comprise dans l’esprit. L’esprit n’est alors pas que la raison. En effet, l’esprit possède plusieurs attributs et Descartes en distingue trois pour rendre compte de la différence constatée entre les Hommes : ces trois attributs sont la pensée, l’imagination et la mémoire.
La pensée : C’est de l’intelligence dont on parle ici.
L’imagination : c’est la faculté de former et d’associer des images, son champs d’action est empirique, on construit avec ce que l’on connait. Ses qualités sont celles de l’image : la netteté et la distinction. Mais L’imagination à des limites : on peut construire une figure géométrique à milles côtés mais on ne peut pas du tout l’imaginer en son ensemble. C’est-à-dire qu’on ne peut pas se la représenter. Essayer seulement deux secondes de le faire et vous verrez que ce n’est pas possible.
La mémoire : Elle sert à garder les données, son ampleur fait sa qualité, et sa présence (le contraire de l’oubli et de la distraction.). (L’esprit selon Descartes ne possède rien d’autres que ces trois attributs). L’esprit possède des différences de degré contrairement à la raison. L’esprit peut même être objet d’étude pour la raison, qui le juge.
De quoi traites donc notre texte ? Descartes place la raison : comme caractéristique essentielle de l’Homme. Il y’a cependant des différences d’esprit dont les performances varient.
L’objet du texte est alors le suivant : Les conditions de possibilités et d’effectivité du connaitre, ou l’auteur soutient l’importance de la méthode.
Il y’a donc une égalité de la raison, et une inégalité de l’esprit, qui implique la nécessité d’une mise en œuvre d’une méthode, car Descartes nous dit que « ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principale est de l’appliquer bien. ». Ce qui sous entends qu’un esprit bon est insuffisant pour atteindre une quelconque vérité s’il n’a pas la bonne méthode. De plus, l’esprit explique la variété de nos opinions et ainsi l’existence de l’erreur, la faculté de juger du vrai et du faux n’est pas en cause ici, et c’est là l’originalité du propos de Descartes.
Passons maintenant à l’argumentation de l’auteur :
Tout d’abord, il garantit que la rationalité de tout Homme, ne veut pas dire égaux dans l’intégralité de notre être, car l’esprit n’est pas le même pour tous, et la méthode n’est pas forcément bonne. Pour Descartes chacun jouit de la faculté de juger, mais cela n’empêche pas de se tromper, et se tromper dans le jugement c’est tout de même encore juger. Tout Homme en est donc bien pourvu. Descartes veut dire par-là que l’égalité de raison est un fait et que la diversité de nos opinions ne découlent pas de plus ou de moins de raison. Elle n’en est donc pas responsable. En ce cas, d’où vient l’inégalité que l’on aperçoit entre les Hommes ? De la méthode répond Descartes.
Il y’a deux facteurs de diversités selon Descartes : la voie que l’on choisit et l’objet visé.
La voie choisit = médiation par la méthode !
L’objet visé = opinions diffèrent car objet considérés différents. Une opinion ne s’oppose pas à une autre comme le vrai et le faux car ne parlent pas forcément de la même chose. Descartes dit « nous conduisons » nos pensées. Cela veut dire que le problème n’est pas d’avoir l’esprit bon, mais de l’appliquer bien = la méthode. On rentre donc dans le domaine de l’action.
Descartes utilise deux exemples :
Les « grandes âmes » sont capables des plus grands vices et plus grands biens = nos qualités natives (c’est-à-dire naturelles.) nous permettent de faire aussi bien le meilleur que le pire = importance d’une méthode pour faire le bon choix.
Les « marcheurs » : sont une variante de la fable du lièvre et de la tortue. La fable du lièvre et de la tortue commence par le fait que la tortue parie avec le lièvre qu’elle arrivera la première à un point, le lapin confiant prend son temps, méprisant une victoire facile, il laisse la tortue avancer, et lorsqu’il choisit enfin de partir la voyant proche du but, pars trop tard, puisqu’elle atteint l’objectif la 1ère. La morale est la suivante : rien ne sert de courir, il faut partir à point. Si par rapport à la marche, la course permet d’aller plus vite, aller fort lentement permettrait d’avancer davantage. Comment expliquez ce paradoxe ? Tout dépend du chemin, de la voie suivie, ainsi de la méthode prise. Si le cheminement est bon, il compense alors largement la vitesse. La lenteur, permet la sélection du droit chemin, tandis que la précipitation nous fera errer dans de mauvais chemins. Le bon ordre prend du temps et ce temps prit permet l’accès à des vérités. Aller trop vite nous empêcherait de passer par tous les points requis dans la chaine des raisons. Bruler des étapes peut amener à l’erreur. La science n’est pas indépendante de ses procédures. On peut voir cet exemple comme une métaphore de l’ordre des connaissances.
Descartes se cite ensuite lui-même comme preuve :
Son esprit est inférieur à d’autres, il le reconnait. Ainsi, s’il a brillé dans les sciences selon lui, c’est grâce à sa méthode. Si son esprit est inférieur et qu’il a réussi à obtenir des résultats comme les siens, c’est bien, selon lui, parce que sa méthode est la bonne. Ce ne sont pas grâces à ses performances natives mais à sa rigueur méthodologique.
Il faut croire en la raison pour Descartes, qui pose la rationalité de l’Homme en tant qu’Homme comme base de tout savoir. Il invoque ici une opposition classique entre substance et accident. L’accident appartient à l’être mais pas à son essence. L’esprit opposé à la raison est en un sens un accident. La raison étant constitutive de l’espèce humaine, fait qu’on est Homme ou on ne l’est pas.
Le plan :
1er mouvement : De « Le bon sens… » ligne 1 à « égale en tous les hommes » ligne 6 : ou Descartes traite du fait de la raison : cette partie répond à la question qu’est-ce que le bon sens ? Là vous avez trois parties : Le bon sens comme raison, le témoignage de l’absence de manque donc de désir et la puissance de bien juger.
2ème mouvement : De « et ainsi… » ligne 6 à « s’en éloignent » ligne 12, ou Descartes interroge le rapport méthode/vérité. Cette partie répond à la question : Si la raison est égale à tous, comment la vérité peut-elle nous poser problème ? Tout est affaire de méthode : le fait de la diversité des opinions, la variabilité due à la voie choisit et à l’objet visé, la conduite de nos pensées, ainsi que les exemples des grandes âmes et des marcheurs sont à traiter ici.
Enfin dans un 3ème mouvement : De « pour moi » ligne 12 jusqu’à la fin du texte. Descartes y dépeint le portrait du savant, Cette partie répond à la question : qu’est-ce qui fait le savant ? Les performances de l’esprit ne sont pas décisives. L’exemple de Descartes et de son esprit soit disant médiocre qui ne l’a pas empêché d’avoir bien avancé sont censés le démontrer. Le génie ou le talent ne font donc pas le savant, c’est sa méthode qui fait de lui un savant.
Conclusion :
La clef du savoir est la méthode. La condition de possibilité du savoir c’est la raison, constitutive de l’espèce humaine. Le problème de l’accès au savoir n’est autre que celui des diversités des opinions dût à l’erreur et la mauvaise méthode. Descartes nous encourage à suivre sa méthode qui suit l’ordre des raisons. (Parallèle avec les méditations métaphysiques, desquelles sa méthode permet de trouver les vérités premières.) Dit autrement : La raison est égale chez tous les Hommes. La distinction raison/esprit permet de rendre compte des inégalités apparentes entre les Hommes. La diversité des opinions et la possibilité de l’erreur s’expliquent par les différences de méthode.
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