L’épanouissement de l’Homme et la politique de l’avenir avec Nietzsche, Marx et Engels 2/4

Ceci est la partie 2 de notre suite d’articles sur l’épanouissement de l’Homme et la politique de l’avenir avec Nietzsche, Marx et Engels ! Elle  traite de l’éducation. Si vous n’avez pas lu la partie 1 introductive, vous pouvez le faire en cliquant ici !

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Sur la question de l’éducation :

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Sur la question de l’éducation : ce mot provient du latin educacio, dérivé du mot ex-ducere qui signifie « faire se développer ». L’éducation, prise au sens large est un développement de nos capacités physiques ou mentales passant par le biais de l’apprentissage. En France, les choix des apprentissages sont faits par l’État. Or, Nietzsche, tout comme Marx et Engels semble critiquer cette notion. Qu’entendent alors ces auteurs lorsqu’ils évoquent ce terme ?      

Selon Marx, la libération de l’Homme ne passe pas par l’éducation[1], mais par la révolution. C’est pourquoi il dit :

«  La doctrine matérialiste qui veut que les hommes soient des produits des circonstances et de l’éducation, que, par conséquent, des hommes transformés soient des produits d’autres circonstances et d’une éducation modifiée, oublie que ce sont précisément les hommes qui transforment les circonstances et que l’éducateur a lui-même besoin d’être éduqué. »[2].

Ainsi l’éducation ne libère pas pour Marx mais permet la perpétuation de la domination bourgeoise à l’époque moderne. Marx, Engels et Nietzsche pensent tous que l’éducation moderne inculque des préjugés et enferme l’Homme, le diminue, alors qu’eux cherchent son émancipation. Bien sûr, il nous faut encore une fois nuancer nos propos. Marx critique l’éducation sous sa forme bourgeoise, ce n’est pas pour autant qu’il veut annihiler l’éducation. Il ne l’entend simplement pas comme dans la conception bourgeoise du terme. En effet l’éducation chez Marx prendra une forme nouvelle dans le communisme, et n’aura plus rien à voir avec l’ancienne forme.  Dans les dix mesures qu’il propose avec Engels dans Le manifeste du parti communiste, il y a notamment la mesure numéro 10 qui est relative à l’éducation : « Education publique et gratuite de tous les enfants. Suppression du travail des enfants en usine sous sa forme actuelle. Combinaison de l’éducation et de la production matérielle, etc., etc. »[3]. Cette mesure signifie plusieurs choses : Premièrement, cela semble supposer que l’éducation ne sera plus comme elle l’était en son sens bourgeois, à savoir purement intellectuelle[4]. Deuxièmement, la nouvelle éducation devra prendre tout son sens dans la pratique. En conséquence c’est une remise en avant du corps qui est faite, tout comme Nietzsche lorsqu’il annonce la mort de Dieu[5], afin de permettre à l’Homme de se recentrer sur lui-même (la mort de Dieu étant une synthèse de la mort des arrière-mondes et des anciennes valeurs). Ainsi il semble qu’il faudra allier dans l’éducation la théorie et la pratique en tant qu’unité. Nous pouvons supposer que ce ne sera donc pas une éducation de « bureau »[6] mais plutôt une éducation de « jardin »[7]. De plus, il faudrait arrêter l’hyperspécialisation, autant dans le domaine de l’éducation que du travail, puisque ce processus empêche l’Homme de se développer dans sa totalité[8]. En effet l’éducation dite bourgeoise, purement intellectuelle et abstraite n’apporte rien à l’Homme dans la pratique : qu’en avons-nous à faire par exemple de savoir qu’il y ait un paradis pour chien ou encore que Dieu soit sexué ou non sexué ? C’est pourquoi Marx dit : « […] Sans parler de la multitude de fonctions parasites qu’il [le capitalisme] engendre et rend plus ou moins indispensables. »[9]. Nietzsche souhaite pour sa part un éducateur qui puisse rendre l’Homme libre. Son point de vue semble totalement différer de celui de Marx sur le problème précis de l’éducateur lorsqu’il dit : « Mais le grand succès revient avant tout à celui qui veut faire l’éducation de l’individu et non pas de tous ni même des cercles restreints, et qui pour se faire ne va pas chercher à gauche à droite. »[10]. Ce qui semblerait signifier chez Nietzsche qu’une éducation pour tous ne saurait libérer l’Homme, bien au contraire. Pourtant, il semble bien que le résultat cherché soit le même que chez Marx. Nietzsche ne semble pas vouloir une éducation « d’élite » mais une éducation d’individualité, c’est-à-dire des individus éduqués d’une manière particulière qui aura pour conséquence une communauté bien éduquée en vue de sa liberté. Or, pour Marx et Engels aussi, le plein développement de chacun est le nécessaire point de départ du bon développement de tous. Même si la méthode diffère, le but visé semble être le même. Un autre point commun que possède Nietzsche avec Marx et Engels, c’est de remettre le corps au goût du jour, notamment sur l’hygiène du corps[11], mais aussi sur le fait de lui redonner ses lettres de noblesses face à l’esprit. Enfin, il semble évident chez Marx que le système éducatif bourgeois empêche le bon développement et l’épanouissement de l’enfant mais aussi de l’Homme en général, surtout de l’éducateur perdant un temps précieux, lorsqu’il dit : « […] La journée d’école longue, monotone et stérile des enfants des classes supérieures augmente inutilement le travail des maîtres “tout en faisant perdre aux enfants leur temps, leur santé et leur énergie, non seulement sans fruit mais à leur absolu préjudice [696]”. »[12]. Ce qui peut faire peur lorsqu’on lit Nietzsche sur l’éducation, c’est sa notion d’élevage [Züchtung]. Il souhaite en effet une éducation visant l’intériorisation de valeurs en faveur de la vie. Pour lui la Züchtung[13], c’est une méthode permettant de faire chairs les bonnes valeurs sur un temps long visant l’autonomie de l’élève. Son élevage serait pour lui, le contraire de ce qu’on pourrait considérer d’un élevage traditionnel. Il n’est pas fait pour conditionner l’humain à suivre les clous, mais à le libérer, le rendre autonome

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[1] Contrairement à ce que dirait Feuerbach.

[2] MARX et ENGELS, Idéologie Allemande, Thèses sur Feuerbach, III, tiré du site marxiste.org.

[3] MARX et ENGELS, Manifeste du parti communiste, II, Prolétaires et Communistes, éd. GF Flammarion, Trad. E. Bottigelli, revue par G. Raulet, p.101.

[4] Le mot intellectuel est ici à prendre au sens de faculté mentale ayant pour visées la théorie et l’abstraction. 

[5] NIETZSCHE, Le Gai Savoir, Trad. P.Wotling, Nouvelle Edition revue et augmentée 2007, Flammarion, Paris, 1997, §343, P.283

[6] C’est-à-dire d’ingurgitation de savoirs abstraits en étant oisivement assis dans le cadre de cours magistraux. 

[7] C’est-à-dire d’acquérir des connaissances pratiques notamment dans l’agriculture et la nature, des savoirs qui sont réellement utile à l’homme et qui ne font pas office de production inutile comme c’est le cas aujourd’hui pour beaucoup de recherches.

[8] L’exemple du mécanicien et des machines dans le Capital, I, tiré du site marxiste.org est très parlant pour ce cas.

[9] MARX, Le capital, I, tome 2, p. 382 tiré du site marxist.org.

[10] NIETZSCHE, Aurore, Livre III, §194, éd. GF Flammarion, Trad. E. Blondel, O. Hansen-Love et T. Leydenbach p.168.

[11] Voir les pensées de Nietzsche sur le corps et l’importance d’en prendre soin dans Ecce Homo. Pour Marx il semble que la question soit soulevé notamment dans le Capital, I.

[12] MARX, Le Capital, I, tiré du site Marxiste.org.

[13] Malheureusement nous n’avons pas pu nous procurer d’ouvrages parlant de cette notion pour réellement développer ce sujet ici, que ce soit d’un commentateur ou de l’auteur même, mais nous invitons le lecteur à aller lire Ainsi Parlait Zarathoustra de Nietzsche ou Oui l’homme fut un essai, de Patrick Wotling au chapitre : La problématique de l’élevage chez Zarathoustra et chez Nietzsche. De plus cette notion est à rapprocher de sa physio psychologie que nous allons voir plus bas. La Züchtung peut alors être considéré comme le déploiement politique du concept de domination des pulsions chez Nietzsche.

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Marx et Engels – L’idéologie Allemande

Marx et Engels – Le manifeste du parti communiste

Marx – Le Capital, Livre I

Nietzsche – Le Gai Savoir

Nietzsche – Aurore

Nietzsche – Ecce Homo

Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra

Wotling – Oui l’Homme fut un essai

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