L’épanouissement de l’Homme et la politique de l’avenir avec Nietzsche, Marx et Engels 1/4

« Ce qui se paie n’a guère de valeurs ; voilà la croyance que je cracherai au visage des esprits mercantiles. » – Nietzsche, La volonté de puissance.

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Introduction :

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Cet article est le début d’une série de 4 articles sur le thème de l’épanouissement de l’Homme et de la politique de l’avenir avec Nietzsche, Marx et Engels !

À première vue, tout semble opposer Nietzsche à Marx et Engels.  En effet, Nietzsche est un grand défenseur de l’individualisme et de l’égoïsme face aux possibles oppressions de groupe[1], tandis que Marx et Engels semblent plutôt critiquer l’individualisme et l’égoïsme ainsi que faire valoir d’abord le groupe sur l’individu. En ce sens, il semblerait assez difficile de concilier ces auteurs entre eux[2]. Mais n’est-ce pas là une lecture beaucoup trop superficielle que d’en conclure que Marx et Engels n’ont rien à voir avec Nietzsche et ne pourraient pas être en accord ?  Les auteurs appellent pourtant tous à la révolte et à la révolution. Ils critiquent tous l’État et son éducation asservissante, ainsi que la religion. Plus généralement ils font tous une lecture critique de la société moderne ainsi qu’une généalogie de ses mœurs. Nous avançons l’hypothèse que les auteurs se rejoignent sur la politique de l’avenir et l’épanouissement de l’Homme, et qu’ils ne sont pas aussi éloignés qu’il n’y parait. Pour le comprendre il va nous falloir dépasser les étiquettes habituellement attribuées à ces philosophes, ce que nous tenterons de faire au travers de notre développement.

Marx et Engels ne défendent pas le primat du groupe sur l’individu comme ce fut souvent affirmé, dans le sens ou pour eux : «  […] le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous. »[3]. De même il nous faut nuancer avec Nietzsche. Est-il si individualiste qu’il est courant de le penser, alors même qu’il cherche à faire advenir le plus grand nombre possible de surhommes par le biais de sa notion d’élevage [Züchtung] ? De plus l’égoïsme qu’il prône n’est pas l’égoïsme traditionnel, c’est un égoïsme sans égo. Effectivement pour Nietzsche, un être vivant peut tirer à son avantage le fait de devenir une partie d’un ensemble. Pour lui, c’est toujours avec une intention égoïste qu’on le fait. Nietzsche dirait même que nous pouvons vouloir devenir fonction de quelque chose de plus complexe que nous seul, et ainsi sortir de notre autonomie :

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« Pas d’altruisme ! – Je vois en surabondance chez beaucoup d’êtres humains la force et le désir de vouloir être fonction […] C’est lorsqu’ils s’intègrent à un organisme étranger que de tels êtres se conservent le mieux ; s’ils n’y parviennent pas, ils se fâchent, s’irritent et se déchirent eux-mêmes. »[4].

Ainsi même chez Nietzsche il peut y avoir un certain communautarisme, celui-ci est simplement basé sur l’égoïsme remis à plat, en tant que puissance dominante. C’est d’ailleurs pour cela que pour lui il n’y a jamais de désintéressement, la morale ascétique cache sa pulsion dominante sous un voile fantaisiste et macabre. En conséquence nous pouvons déjà admirer l’effritement de l’épais mur qui était bâtît entre Nietzsche, Marx et Engels.

Aussi, en faisant la généalogie de l’Homme en société, Marx et Engels, en parviennent à la conclusion que : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, est l’histoire de lutte de classe. »[5]. Pour ce qui est de Nietzsche, il parvient à la conclusion que c’est un combat des faibles contre les forts, et que ce sont actuellement les faibles qui règnent en maître sur l’humanité[6]. Pour Marx et Engels, c’est actuellement une lutte entre la Bourgeoisie[7] et le Prolétariat[8] qui se déroule au travers de l’industrialisation[9] du monde, et sa marchandisation. Et par le productivisme de masse qui résulte du Capitalisme, c’est une logique de destruction qui est active[10], une logique du « toujours plus ».  Pour Marx, la Bourgeoisie s’autodétruit, par la création involontaire d’un prolétariat international. Pour Nietzsche, le faible et sa fausse parure de puissant s’autodétruit par ressentiment, contre le fort, mais aussi contre la vie. Pour Marx et Engels la société communiste doit s’ériger sur le cadavre du capitalisme. Notamment par l’abolition des propriétés privées, ainsi qu’une refonte des valeurs de travail s’axant sur l’usage et non plus sur l’échange et la possibilité d’accumulation. Ce que Platon disait déjà, l’écart entre le plus riche et le plus pauvre doit avoir une limite, sans cela la société ne sera pas viable[11].

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Pour ce qui est de Nietzsche, il semble prendre pour point de départ le point opposé à celui de Marx. A savoir que les faibles auraient déjà vaincus les forts. En effet, ils auraient travesti la réalité de par leur ressentiment et persuadé le fort autant qu’eux-mêmes, d’un possible libre-arbitre[12]. L’humanité avait donc déjà subi un changement de valeurs, faisant passer le faible pour le fort, et le fort pour le faible[13].

Nous verrons donc ce qui rapproche et éloigne ces auteurs, notamment sur la question de l’éducation, celle de l’épanouissement de l’Homme, ainsi que sur la politique de l’avenir.

[1] Voir La généalogie de la morale.  

[2] Ils semblent se placer chacun sur un revers d’une même pièce. L’un étant sur la face aristocratique de la pièce et les autres sur la face prolétaire. Le premier exaltant l’individu, l’autre le groupe.

[3] MARX et ENGELS, Manifeste du parti communiste, II, Prolétaires et Communistes, éd. GF Flammarion, Trad. E. Bottigelli, revue par G. Raulet, p.102

[4] NIETZSCHE, Le gai savoir, Troisième livre, §119, éd. GF Flammarion, Trad. P. Wotling, p. 172.

[5] MARX & ENGELS, Manifeste du parti communiste, I, Bourgeois et Prolétaires, éd. GF Flammarion, Trad. E. Bottigelli, revue par G. Raulet, Paris, 1998, p. 73.

[6] Voir la Généalogie de la Morale.

[7] Ancienne classe opprimée devenant révolutionnaire comme ce fut le cas pour la révolution française de 1789, puis conservatrice, pour enfin finir contre-révolutionnaire.

[8] Nouvelle classe opprimée.

[9] Aboutissant de nos jours à l’apogée de la technocratisation, avec à la tête du pays français par exemple, des dirigeants pro-technocrates comme Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires chez Rothschild et Edouard Philippe, pro-électronucléaire.

[10] La destruction, pour Nietzsche, c’est le nihiliste conscient que plus rien n’a de sens après la « mort de Dieu », qui, n’ayant plus foi en aucune valeur, ne souhaite plus vivre, car la vie lui devient insupportable. 

[11] Voir Les Lois de Platon, notamment en [632b] sur la manière dont le législateur doit surveiller la manière dont un citoyen acquiert et dépense ses richesses, ainsi qu’à partir de [728e] ou il commence à expliquer que ce n’est pas l’or ni une accumulation de richesses qu’il faut léguer aux enfants. A la suite de quoi il décrit l’écart à ne pas dépasser entre le plus riche et le plus pauvre citoyen d’une même cité.

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[12] Voir l’analogie sur les bêtes de proies dans La Généalogie de la morale, Trad. P.Wotling, Le livre de poche (1 juillet 2000), Ed. Classiques de la philosophie, France, P. 96-97

[13] Dans la généalogie de la morale Nietzsche démontre la transformation des valeurs par la transformation du fort en méchant et du mauvais (faible) en bon.

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Nietzsche – La généalogie de la morale

Nietzsche – Le Gai Savoir

Marx et Engels – Manifeste du parti communiste

Platon – Les lois

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